Comprendre le rôle des forêts tropicales humides dans le cycle du carbone

Les forêts jouent un rôle déterminant dans le cycle du carbone. Pour comprendre leur fonction, notamment leur potentiel d’atténuation du réchauffement climatique, il est essentiel d’évaluer précisément leur capacité de stockage du carbone. C’est l’objectif que se sont fixé les partenaires scientifiques de Guyafor, un réseau de parcelles aménagées pour l’étude de la dynamique forestière installées en Guyane française.


Accumuler du carbone en réponse aux perturbations passées

Sur le dispositif de Paracou, les données démographiques acquises depuis 25 ans sur six parcelles de 6,25 hectares montrent que la forêt naturelle se comporte comme un puits de carbone, avec une accumulation de 0,17 à 0,80 tonne par hectare et par an. Ces résultats confirment les conclusions d’études menées dans le Bassin amazonien et dans le bassin du Congo.

Cependant, l’interprétation de cette accumulation reste sujette à controverse : est-ce une réponse des forêts aux changements climatiques ou bien une réaction aux perturbations passées ? Selon les premiers résultats, c’est cette seconde hypothèse qui serait la bonne. Les changements de distribution de diamètre des arbres sur les 25 années de suivi sont caractéristiques des forêts en reconstitution.

En outre, la mortalité des arbres de gros diamètre a un effet prépondérant dans les bilans de carbone, ce qui indique que la maturité des forêts est un critère fondamental de ces bilans.

Enfin, à l’échelle de l’Amazonie (Bassin amazonien et plateau des Guyanes), une étude récente prouve qu’une perturbation climatique comme la sécheresse peut faire chuter le bilan carbone des forêts.

45 ans pour reconstituer le stock de carbone

Un autre résultat majeur de ces études concerne l’évolution du stock de carbone dans les forêts exploitées. L’extraction du bois d’œuvre ou du bois-énergie, si elle fournit des biens et des revenus, participe dans le même temps à l’émission de carbone dans l’atmosphère, accentuant ainsi les effets de la déforestation.

Cependant, une forêt exploitée restocke du carbone lorsqu’elle se régénère, avec l’apparition de nouveaux arbres et la croissance des arbres existants. Toujours à Paracou, il faut 45 ans pour que la forêt reconstitue son stock de carbone après une exploitation d’environ 30 mètres cubes par hectare. En utilisant des techniques d’exploitation à faible impact, il serait possible de réduire cette durée.

Estimer le carbone des forêts à partir de données aériennes

Au-delà de ces résultats, le réseau Guyafor participe à la mise au point de nouvelles méthodes d’estimation du carbone des forêts à partir de données aériennes.

Récemment, il s’est associé au projet Biomass, un ambitieux programme de conception d’un radar à synthèse d’ouverture en bande P (432-438 MHz, longueur d’onde 68 centimètres), qui devrait permettre d’observer la distribution spatiale de la biomasse à l’échelle globale. Ce projet est en lice pour devenir le septième satellite de programme scientifique d’observation de la Terre de l’Agence spatiale européenne.

Après une validation des techniques de télémétrie radar sur les forêts boréales et tempérées, le réseau Guyafor a été sélectionné pour valider ces techniques en forêts tropicales humides. Une intense campagne de collecte de données aériennes s’est déroulée en août 2009 sur les dispositifs de Paracou et des Nouragues.


Plus d'infos:

Lilian Blanc
Ecologie des forêts de Guyane (Ecofog)